Certains moments laissent une empreinte particulière dans la mémoire d’un amateur. La découverte de la cuvée Cristal 1996, dans sa version Vinothèque en blanc et en rosé, figure indéniablement parmi les plus rares. Récit d’une expérience hors sol !
Si vous vous demandez ce que c’est que cette cuvée Cristal Vinothèque, c’est que vous ne lisez pas régulièrement le Blog iDealwine ;). Car cette cuvée, fruit de l’imagination débordante de l’hyper-actif, hyper-créatif Jean-Baptiste Lécaillon, Chef de caves de la maison Roederer, est née avec le millésime Cristal Vinothèque 1995, présenté l’année dernière. Aujourd’hui, c’est du 1996 que nous découvrons.
La fête commence dès le lobby de l’hôtel Bristol : un feu d’artifice de fleurs d’automne !
Une viticulture biodynamique et familiale
Qui ne connaît la très exceptionnelle cuvée Cristal, issue d’un vignoble de 45 parcelles d’un sol crayeux cultivées comme un jardin, et aujourd’hui entièrement converties à la culture en biodynamie ? Jean-Baptiste Lécaillon étend progressivement cette philosophie qu’il a intimement fait sienne à l’ensemble du vignoble de la maison : les cuvées de Blanc et blancs ainsi que le Brut Nature ont également été converties. On pratique chez Roederer une viticulture « familiale », à savoir traditionnelle et respectueuse des sols (le labour est pratiqué, sur certaines parcelles au cheval pour préserver les ceps les plus fragiles) et du biotope. Le domaine utilise ses propres porte-greffes et pratique la sélection massale. Autant dire que l’on reste en famille.
L’idée de départ, qui a présidé à cette expérience Vinothèque, consiste à dire que la cuvée Cristal est toujours livrée à l’appétit des amateurs et présentée au marché trop tôt, beaucoup trop tôt. A dix ans d’âge, c’est encore un nouveau-né qu’il conviendrait, aux dires de Jean-Baptiste Lécaillon, de conserver plus longtemps dans le secret, le silence et le confort douillet des caves de la maison. L’idée a donc germé d’isoler une partie des vins, de prolonger leur séjour dans les caves pour les laisser s’épanouir tranquillement et faire éclore un Cristal plus mature, sans pour autant trahir l’ADN de cette cuvée qui conjugue fraîcheur, précision et élégance.
Cristal Vinothèque 1996
1996 ? Un millésime difficile. Pourtant ardemment attendu, il aurait dû se révéler exceptionnel. Vendangé sans doute un peu trop tôt, l’acidité est forte, c’est une matière pointue à travailler pour trouver le bon équilibre, une matière à laquelle il faudra indéniablement du temps, « le temps de la construction », ainsi que nous l’indique Jean-Baptiste. Le vin sera donc été conservé dix ans sur lies, avant de passer quatre ans sur pointes pour éviter tout risque d’oxydation. Puis vient le dégorgement. Opération menée avec les vins de la maison dont on a extrait une liqueur. Le dosage est minimal. 6-7 grammes. On touche la limite de l’extra-brut. Le vin patientera encore sept années supplémentaires avant de remonter en surface… et de nous être finalement dévoilé.
A la dégustation, ce qui frappe au premier abord, c’est la concentration de Cristal Vinothèque 1996. Un champagne qui associe à son immense tension une fraîcheur éblouissante, bâtie sur les arômes de zeste d’agrumes (citron) et une minéralité étincelante qui doit beaucoup aux sols blancs dont il est issu. L’acidité est présente, certes, mais après une attaque d’une intense énergie l’ensemble se révèle équilibré, apaisé, tout en rondeur, dévoilant au passage de subtiles notes vanillées. Ce 1996, délicatement salin en finale, approche son plein apogée. Pourquoi l’attendre ? Ce millésime « de la souffrance de l’artiste » – selon les mots de Frédéric Rouzaud – est aujourd’hui parfaitement prêt. Un Cristal vibrant, dont l’énergie se mesure sans fléchir aux flaveurs intenses de la truffe d’Alba qui parsème la magnifique composition de turbot sauvage assorti d’un confit de châtaignes et de champignons sauvages.
Cristal Vinothèque 1996 rosé
Dans sa version rosé, Cristal Vinothèque se révèle un grand vin d’émotion. Et pourtant, lui aussi a donné du fil à retordre à Jean-Baptiste Lécaillon, qui vinifie pour la première fois chez Roederer (il deviendra Chef de caves en 1999). Fruit d’une intense prise de risque – mais n’était-ce pas déjà là l’essence même de ce qu’apprécie et recherche ce brillant vinificateur ? –. Le profil du rosé est complètement différent. Là où le blanc se montrait vif, précis, presque tranchant dans son attaque, le rosé déploie une matière suave en bouche, infiniment délicate et veloutée. Il compense indéniablement la forte acidité du millésime par son caractère charnu. Sa texture de velours, enveloppante et très longue s’associe voluptueusement au ris de veau braisé à l’Amaretto, délicatement caramélisé… Un accord de rêve.
Ce déjeuner a donné l’occasion de déguster et de redécouvrir deux des grandes réussites récentes de la cuvée Cristal.
Cristal 2008
Pureté, fraîcheur, élégance : c’est un peu de tout cela, l’ADN de la cuvée Cristal de la maison Roederer
La cuvée Cristal est-elle encore trop jeune au bout de dix ans, vraiment ? Cristal 2008, le vin par lequel débute la dégustation est un trésor. Etincelant de pureté. Pourtant, 2008 n’a pas non plus été un millésime facile à vinifier, il a exigé des soins aussi minutieux qu’attentifs. Vinifié partiellement sous bois (20%) pour gagner en sucrosité et en concentration, il a patienté sur lies durant huit ans. Le fruit d’une lente maturation, donc, qui lui confère cette belle allonge, cette matière enrobée, et là encore, cette minéralité qui exprime à merveille le caractère crayeux des sols dont il est issu. Le résultat est brillant : un vin à apprécier, mais aussi à conserver encore longtemps…
Cristal 2002
Fruit d’un millésime de rêve, le vignoble a produit une matière première « absolue » selon les mots d’un Jean-Baptiste encore enthousiaste par cette année qu’il aurait aimé vinifier encore et encore tant elle était parfaite. D’ailleurs, si la cuvée Cristal ne retient généralement que les meilleurs pinots et chardonnay du vignoble, cette année-là aucune sélection n’a été nécessaire, l’ensemble de la récolte a été intégré ! 2002 a marqué la fin du recours aux herbicides, c’est à ce moment-là que le domaine a initié sa démarche visant à redonner vie aux sols, pour convertir progressivement le vignoble à la biodynamie. L’été sec, chaud, a donné lieu à un déficit hydrique important, les baies se concentrent, les peaux se fripent, les vendanges seront avancées d’une semaine. A la dégustation, Cristal 2002 a considérablement évolué depuis un an, gagnant en profondeur et en complexité, en plénitude aussi. Il a conservé son intense fraîcheur aromatique, sa concentration et les jolies notes salines qui se développent en fin de bouche, aériennes. Avec ses bulles parfaitement intégrées, il déploie en bouche un volume exceptionnel. Jean-Michel Deiss, adepte de la dégustation géo-sensorielle, dirait de ce Cristal 2002 qu’on affaire, là à un vin parfaitement … sphérique. Il est d’ailleurs accompagné d’un caviar de Sologne aux notes puissamment iodées qui viennent amplifier cette sensation de rondeur en bouche.
C’est un honneur de déguster ces cuvées, fruit d’un tel niveau d’exigence, de précision, de prise de risque aussi. Chacune d’entre elles méritait les mets les plus fins pour les sublimer. Un défi magistralement relevé au piano du Bristol par un Eric Fréchon au sommet de son art. Bernard Neveu, Chef sommelier, n’est pas en reste. Celui qui a construit au Bristol la « plus belle carte du monde » (une distinction octroyée par le Wine Spectator) a veillé avec le plus grand soin à l’élaboration d’accords mets et vins tout simplement… parfaits. Chacun d’eux, auteurs de trésors inoubliables, intemporels, a contribué à l’élaboration d’un moment rare et suspendu.
Rien n’est laissé au hasard au sein de la maison Roederer. Même l’invitation, dorée sur tranche, sur un bristol presque aussi épais qu’un guide de vin ;).
Frédéric Rouzaud et la maison Roederer ont rendu possible cette expérience ultime, octroyant à Jean-Baptiste le temps et les moyens de donner vie à son rêve et son appétit d’excellence. Le temps, l’excellence, l’exception : n’est-ce pas là une parfaite expression de ce que l’univers luxe cherche à nous dire ? Bravo l’artiste !
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