Carte postale de la Tour d’Argent, où Angélique s’est rendue à la découverte d’une vertigineuse verticale du grand cru de Corton-Charlemagne, produit par la maison Louis Latour.
La vie n’est pas qu’une vallée de larmes, enfin pas toujours. Encore moins lorsqu’il s’agit de braver les températures suffocantes de la capitale pour remonter la Seine jusqu’à la Tour d’Argent. Récit d’un accostage en terres délicieuses. A la découverte de pas moins de 14 millésimes du célébrissime Corton-Charlemagne, un grand cru dont la renaissance doit beaucoup à la famille Latour.
Inutile de présenter La Tour d’Argent. Le mythique établissement offre une vue imprenable sur notre chère cathédrale Notre-Dame de Paris. En pénétrant dans le salon qui nous est réservé, impossible de ne pas penser à cette funeste nuit du 15 avril. Un lundi. Le célèbre restaurant étant fermé ce soir-là, les clients n’auront donc pas assisté, horrifiés, au triste spectacle de la cathédrale en proie aux ravages du feu. Il y a quelques mois, j’avais eu l’occasion d’admirer cette vue, unique…
AVANT
APRES… Toiture et charpente sont désormais bâchées et protégées, dans l’attente de la reconstruction.
Depuis 1999, Louis-Fabrice Latour est aux commandes de cette vénérable institution beaunoise, fondée en 1797. Chez les Latour, tout le monde s’appelle Louis, à chaque génération. Et ils ont l’air de s’y retrouver :). Une filiation bien assumée, donc, dans une maison respectueuse de son héritage. Les Latour sont en effet les principaux propriétaires au sein de l’AOC Corton Charlemagne, avec 11 hectares de vignes en exploitation. Et c’est l’arrière, arrière-grand-père de Louis-Fabrice – vous l’aurez compris, il s’appelait… Louis – qui a pris la décision de planter à nouveau du chardonnay sur cette colline dont les vignes avaient été dévastées par le phylloxera. En hommage au patriarche, les étiquettes portent toujours sa signature.
La colline de Corton – coiffée d’un chapeau d’arbres qui a créé des remous il y a quelques mois, agité par les rumeurs de cession – s’étend sur trois villages (Aloxe-Corton, Pernand-Vergelesses et Ladoixx-Serrigny). Les hauts du coteau de la colline de Corton ont longtemps été délaissés, jusqu’à ce que l’ancêtre de Louis-Fabrice Latour ne leur redonne leurs lettres de noblesse. Au total 90 hectares de vignes sont aujourd’hui plantés de pinot noir, et 71 de chardonnay. Les vignes de la maison Latour bénéficient d’une belle exposition, au sud-est de la colline. A proximité se dresse la croix des Charlemagne, installée en 1943 en hommage à l’empereur qui fut propriétaire des vignes avoisinantes jusqu’en 775.
Ce que vous voyez là, ça n’est que le début de la dégustation. Au total, la maison Latour a vu les choses en grand : 14 millésimes à déguster savourer, dont certains ont été mis de côté pour accompagner nos agapes. Une succession étonnante et passionnante, qui révèle un style de vin et une empreinte bien présents, mais qui ont su évoluer au gré des ans et de l’évolution du goût des amateurs. La colonne vertébrale des vins est dictée par les choix en matière d’élevage. Le corton-charlemagne passe en effet huit à dix mois en fûts 100% neufs, ce qui vient ajouter aux arômes d’amande fraiche des notes grillées, et un boisé plus ou moins marqué selon les années. Car la partition varie et se décline harmonieusement d’un millésime à l’autre, en épousant chacune des spécificités. Passionnant, on vous dit.
Le point commun à tous ces vins ? Un nez élégant mais pas franchement bavard. La canicule, et les variations de températures auxquelles nous – êtres humains ET vins confondus – sommes soumis serait-elle responsable de cette impression ? L’expression des vins est discrète, élégante, subtile au nez. En bouche c’est une autre affaire. Je vous détaille chacun des vins à la fin, regardez d’abord mes cartes postales.
A table ! Après les dix millésimes dégustés pour nous mettre les papilles en appétit, Louis-Fabrice a encore plein de merveilles à nous faire partager. A ses côtés, Jean-Francis Pécresse, rédacteur en chef de Radio classique.
Dans ce vénérable établissement, on ne plaisante pas. Même le beurre est aux armes.
Pour l’anecdote, Louis-Fabrice nous confie que la Tour d’Argent a longtemps été le premier client de la maison… Louis Latour. Joli clin d’œil, non ?
Asperges et poisson, le menu printanier concocté par le chef Philippe Labbé s’achèvera sur la note acidulée de l’abricot.
La vue époustouflante qui s’offre aux bienheureux clients de la Tour d’Argent a conquis en son temps le peintre Pierre Eugène Montézin (1874-1946), dont une œuvre orne le salon.
Pas le temps de partir à l’exploration des caves mythiques de l’établissement cette fois-ci. C’est promis, on reviendra 😉
L’incroyable dégustation
Corton-charlemagne 2016
Le vin offre une texture veloutée, merveilleusement enveloppante, et une incroyable persistance. Précisément, à vrai dire, ce que l’on rêve de trouver dans un grand cru de ce calibre, d’autant plus qu’il dévoile tout à la fois de jolies notes d’amande et des saveurs plus florales, salines même. L’empreinte du terroir calcaire ?
Corton-charlemagne 2015
Le 2015 ? Splendide ! Une star. L’attaque est tendue, précise, dévoilant un jus magnifique et opulent. Un vin solaire, qui livre un bouquet complexe d’arômes délicatement miellés et de vanille. L’ensemble, très minéral, affiche une belle énergie. Et toujours, cette persistance en bouche…
Corton-charlemagne 2014
Moins opulent que les deux précédents, le 2014 a été ciselé à l’issue d’un millésime difficile, mais sauvé par les belles journées de septembre. Une belle minéralité, avec des notes de pierre à fusil qui se marient bien avec les flaveurs d’amande fraîche. Quelques notes boisées en finale d’un vin à la longueur plus classique.
Corton-charlemagne 2012
Ce flacon de 2012 est manifestement l’un des rares rescapés d’une météo qui a donné du fil à retordre aux viticulteurs, entre grêle, orages et canicule. Particulièrement résilient donc, ce 2012 dégage une belle énergie et une tension perceptibles dès l’attaque. En bouche, on relève des notes de fruits presque exotiques qui se marient bien avec les arômes délicatement boisés. La fin de bouche est vibrante, superbe.
Corton-charlemagne 2010
Ce corton-charlemagne est véritablement… impérial. Voilà un (très) grand cru qui honore avec panache le millésime d’anthologie dont il est issu. On ne goûte un peu jeune, forcément, mais il se montre d’ores et déjà étincelant, éclatant avec son nez qui dévoile des arômes vanillés et exotiques, agréablement épicé. Merveilleusement ample en bouche, mais dans le même temps parfaitement droit, ciselé, minéral jusqu’à la finale, élégantissime. Déjà somptueux, il gagnera probablement encore en intensité, en ampleur, en complexité. Les bénéfices de l’âge et de la maturité s’appliquent au vin aussi, sans aucun doute.
Corton-charlemagne 2009
Est-ce l’empreinte d’un millésime solaire ? Le vin déploie en bouche une matière veloutée, intense et ample, qui tapisse délicieusement le palais. Les notes grillées ajoutent une note gourmande à l’ensemble. Il va falloir être patient, ce vin a la vie devant lui, encore un. Le plus au fond, c’est de devoir… déguster, et donc cracher.
Corton-charlemagne 2008
Ce vin apporte la preuve que les millésimes réputés difficiles et techniques peuvent donner de splendides résultats. En bouche il se démarque par une fraîcheur intense, un caractère finement ciselé et minéral, beaucoup de tension. En milieu de bouche quelques notes boisées sont perceptibles, avant une finale minérale, précise.
Corton-charlemagne 2006
Un grand classique, avec ses notes agréablement miellées et ses arômes d’amande et de vanille. Ample et élégant.
Corton-charlemagne 2005
L’exceptionnel 2005 a permis à la maison Latour de nous offrir le parfait exemple d’un chardonnay puissant et expressif, vinifié de manière à nous livrer un vin qui associe dans un bel équilibre la richesse des arômes beurrés, briochés à la tension minérale. L’ensemble est doté d’une remarquable acidité et pourra encore traverser les années, en majesté.
Corton-charlemagne 2002
Très belle année pour les blancs, 2002 a donné un corton-charlemagne exemplaire, qui livre en bouche un bouquet à la fois complexe et subtil. Les notes finement boisées et vanillées sont estompée, l’ensemble se montre harmonieux, la finale puissante, pleine d’énergie. Quelle longueur remarquable !
Corton-charlemagne 2000
Servi à table en jéroboam, ce millésime d’une grande finesse livre des arômes délicatement miellés qui résonnent, communiquent harmonieusement avec le comté affiné, dans un contraste savoureux avec la salinité croquante du fromage, qui a été affiné durant 36 mois.
Corton-charlemagne 1999
Ce grand cru âgé de 20 ans tout juste offre un bouquet d’arômes inédits, puissamment marqué par d’élégantes épices associant tabac blond, moka ou bois des îles. Une boite à cigare élégante, qui livre en bouche une texture fine et veloutée. Un délice.
Corton-charlemagne 1996
Délicatement marqué par les arômes tertiaires, ce 1996 évoquent un panier rempli de champignon, au retour d’une promenade dans les bois en automne. Viennent s’y associer de délicieux arômes de fruits délicatement confits. L’ensemble est très fin, élégant et la texture soyeuse.
Corton-charlemagne 1964
Servi à l’aveugle, ce 1964 en a surpris plus d’un. Plein de vigueur et doté d’une belle tension, il livre d’emblée un bouquet marqué par les arômes de sous-bois. Mais attention, un sous-bois élégant, qui évoque le parfum des fougères qui craquent sous nos semelles lors de nos balades en forêt, dans la fraîcheur des belles journées d’automne. Un vin racé, agréablement persistant. Bref, on n’est pas prêt de l’oublier. Et c’est bon signe, puisqu’il s’agit du millésime de naissance de Louis-Fabrice Latour…
Merci à la maison Latour de nous avoir offert ce moment rare, une belle occasion de partir à la découverte d’un fabuleux patrimoine viticole… et une nouvelle démonstration de la capacité des grands vins à traverser les âges harmonieusement, y compris quand il s’agit de bourgognes blancs.
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Une fantastique verticale qui fait saliver le lecteur se remémorant les inoubliables Corton-Charlemagne qu’il a pu boire..