Interview-BFM-Mars-2020-exportations-vins-coronavirusAngélique de Lencquesaing répondait il y a peu aux questions de Cédric Decoeur, sur BFM Business. Au menu, derniers chiffres des exportations françaises des vins et spiritueux et impact du coronavirus sur les choix de placement vin.

Angélique de Lencquesaing répondait il y a peu aux questions de Cédric Decoeur, sur BFM Business. Au menu, derniers chiffres des exportations françaises des vins et spiritueux et impact du coronavirus sur les choix de placement vin.

Les chiffres des exportations de vins et spiritueux français pour l’année 2019 sont tombés, marquant une légère progression. Un bon signal pour l’univers des grands crus, dans une perspective de placement ?

Les exportations françaises de vins et spiritueux ont représenté un montant de 14Mds€ en 2019, en hausse de 5,9% par rapport à 2018. Une performance qui mérite d’être saluée dans un contexte du commerce mondial si agité. Notons que, tant en valeur qu’en volume, cette progression a principalement été portée par les spiritueux (+8,8%), un marché mature et solidement établi.

On peut se réjouir de ce que :

  • Oui, les grands vins et spiritueux français sont demeurés attractifs dans le monde !
  • Le secteur représente toujours le 2e poste excédentaire de la balance commerciale (+12,7 Mds€ derrière l’aéronautique)

Notons toutefois deux points d’attention :

  • Les volumes sont demeurés stables, tout du moins pour ce qui concerne les vins. Ce sont les hausses de cours qui ont fait augmenter la valeur des vins exportés
  • Attention à l’effet en trompe-l’œil de ces chiffres

Un effet trompe l’œil ?

Oui, une bonne part de la croissance a été initiée par des commandes d’anticipation. A cet égard le premier semestre 2019 s’est révélé été particulièrement favorable, notamment dans une zone comme les Etats-Unis. Outre-Atlantique, 1er marché à l’export en valeur pour les vins français, les acteurs anticipaient – et la suite de l’histoire leur a donné raison – une hausse des taxes à l’importation. Et c’est bien ce qui s’est passé en octobre 2019 (pour mémoire le montant de la taxe est de 25% ad valorem). Les acheteurs, notamment les professionnels ont donc massivement stocké du vin avant cette date. Les exportations ont ainsi augmenté de 5,5% en volume, et de 16% en valeur sur l’ensemble de l’année.

Interview BFM Mars 2020 exportations vins coronavirus 2

Ça c’est pour les USA, et en Grande-Bretagne, le même phénomène a-t-il été observé avant le Brexit ?

Les exportations ont augmenté de 4,4% en valeur à destination du marché anglais. Une croissance moins élevée que la moyenne mais la tendance reste positive. Là encore, les achats d’anticipation ont dû jouer. Mais les Britanniques ne semblent pas particulièrement inquiets pour l’avenir.

Qu’en est-il de l’Asie, et particulièrement de la Chine ?
Déjà en 2018 la part des vins exportés vers l’Empire du milieu s’était contractée (-14,4%), fortement impactée par les tensions commerciales et la situation politique à Hong Kong. En 2019 la conjoncture ne s’est pas franchement améliorée. La baisse se poursuit, même si elle est moins marquée (-6,4%).

Et ça, c’était avant le Coronavirus. De quelle manière ressentez-vous, sur le marché des grands crus, les premières incidences de l’épidémie ?

Les effets du coronavirus dans sa version Covid-19 sont encore loin d’être mesurables puisque le pic de l’épidémie n’est pas atteint, d’ailleurs nous avons encore peu d’indications chiffrées.

Si on considère le marché du vin d’une manière plus large, l’épidémie porté du Hubei, en Chine, a logiquement touché le marché chinois dans un premier temps, et particulièrement son « hub », Hong Kong. L’ancienne colonie britannique n’avait pas vraiment besoin d’un épisode supplémentaire après les mois d’émeutes qui ont désorganisé la ville, et vidé hôtels, restaurants et boutiques de luxe de ses touristes.

S’agissant des ventes sur iDealwine, comment avez-vous ressenti cette incidence du virus, notamment envers la Chine ?

A fin février, dans un contexte très dynamique depuis le début de l’année sur la plateforme d’enchères d’iDealwine (+18% en février par rapport au même mois de 2019) la part de l’Asie a représenté 10,4% des ventes (en valeur). Une proportion en légère baisse par rapport à la moyenne enregistrée en 2019 (16%), mais qui n’en reste pas moins significative. D’ailleurs les amateurs asiatiques ont fortement accru leurs achats le mois dernier, enchères et achats à prix fixe confondus (+30% de progression globale). Quel signal faut-il y voir : les grands vins, valeur refuge pour l’amateur qui ne sort plus volontiers de chez lui ?

Dans cette zone du globe, les exportations devraient toutefois inévitablement marquer le pas. D’ailleurs, la chute en Bourse de titres tels que LVMH depuis le début de l’année illustre les difficultés que rencontre le secteur du luxe, et notamment des produits tels que le Champagne ou le Cognac, pour lesquels la Chine représente un débouché stratégique.

Les amateurs ne boivent plus de vin ? 

La désertion des hôtels et des restaurants devrait impacter les ventes de vins en Asie durant plusieurs mois. En revanche, pour ce qui concerne la consommation privée, elle se porte, pour l’instant en tout cas, soyons prudents, encore bien et les acheteurs répondent toujours présents sur la plateforme d’enchères d’iDealwine.

Par ailleurs, gardons en tête deux points qui doivent nous empêcher de céder au découragement :

  • Les grands crus, au même titre que les produits de luxe, constituent des valeurs refuge. A cet égard les belles signatures rares peuvent être recherchées dans la perspective de la constitution d’un beau patrimoine dans une perspective moyen- long terme
  • A condition que les activités logistiques ne soient pas atteintes ni perturbées, pour ce qui concerne spécifiquement iDealwine, le e-commerce peut offrir une alternative de choix à la nécessaire limitation des mouvements induite par les directives sanitaires.

Mais les évènements et salons autour du vin ne peuvent pas se tenir ?

De nombreux salons et manifestations impliquant l’industrie viticole sont annulés ou reportés les uns après les autres, ce qui risque de peser sur le dynamisme des flux commerciaux, car ces annulations en chaîne concernent pour la plupart des salons professionnels : la foire de Chengdu, en Chine, Prowein, à Dusseldorf, Vinexpo à Hong Kong, Vinitaly…

Et en France ?

« Les grands jours de Bourgogne », une belle manifestation qui met à l’honneur les vins de Bourgogne a été annulée. Tous les regards se tournent maintenant vers la traditionnelle semaine de dégustation des primeurs qui doit se tenir à Bordeaux à compter du 30 avril. Un moment majeur pour la filière viticole de la région.

Cet événement est maintenu ?

Pour l’instant oui, mais si ses organisateurs scrutent de près l’évolution de la situation et les consignes sanitaires.

Pourtant, compte tenu des difficultés à vendre, les producteurs bordelais n’auraient-ils pas intérêt à reporter cette manifestation ?

Un report à octobre, comme cela à un temps été évoqué, serait peut-être opportun, en effet, et ce pour au moins 3 raisons :

  • Les annulations des autres manifestations limitent l’intérêt des primeurs bordelais. De nombreux opérateurs, en effet, arrivent traditionnellement du monde entier pour effectuer un circuit européen dans les différents salons, Bordeaux constituant l’étape finale.
  • Les Chinois ne seront pas présents en raison de l’épidémie de coronavirus qui les empêche de voyager. Or la Chine représente le premier marché à l’export pour les vins de Bordeaux.
  • Les Américains (2ème marché à l’export des vins de Bordeaux), échaudés par les taxes à l’importation imposées par l’administration Trump, hésitent à participer à la campagne primeurs. D’ailleurs le magazine Wine Spectator a indiqué qu’il ne relaterait pas les dégustations…

Pour l’amateur, une annulation de la campagne primeurs aurait-elle un effet majeur en termes de choix patrimoniaux ?

Parlons plutôt d’un report. Que signifie un décalage de quelques mois dans la commercialisation d’un millésime ? C’est avant tout sur la trésorerie de la propriété que l’impact sera constaté. Pour les acheteurs, qu’ils soient intermédiaires – les négociants de la Place de Bordeaux – ou pour les amateurs finaux la décision n’aura pas d’impact majeur. Attendre quelques mois que la situation se stabilise et que les perspectives de marché s’éclaircissent n’est pas une mauvaise idée. Quand on a de bonnes nouvelles à annoncer, comme un millésime 2019 de belle qualité, mieux vaut avoir un public nombreux, et enthousiaste à qui le présenter !

Par ailleurs, le marché dispose de stocks importants qu’il est préférable d’écouler avant de commercialiser un nouveau millésime, qui s’annonce par ailleurs de bonne qualité. De belles opportunités pourraient émerger au cours des semaines, des mois à venir. A guetter de près…

Des opportunités à Bordeaux ?

Oui, bien sûr ! N’oublions pas que Bordeaux continue à représenter la principale région à l’achat dans les ventes aux enchères françaises. Sur la plateforme d’iDealwine, la région a représenté en valeur, 40% des vins adjugés en 2019, et 43% en volume. Une éventuelle raréfaction de certains acheteurs, notamment des professionnels, va ouvrir des opportunités, c’est certain.

Je cite Bordeaux car ses vins bénéficient de remarquables capacités de garde, mais on va aussi pouvoir se pencher sur les autres régions, c’est le moment de rester à l’affut, en suivant de près l’évolution des cours. La cote iDealwine constitue à cet égard un outil indispensable. 😊.

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