Tandis que les premiers prix commencent à tomber, quelques grands crus ayant déjà dégainé, nous avons voulu en savoir plus sur la qualité générale du millésime. Nous avons demandé à Michel Bettane et Thierry Desseauve, auteurs du Grand Guide des Vins de France et dégustateurs ô combien chevronnés, de nous livrer leurs premières impressions sur ces 2008.

VR : Tout d’abord, quel regard portez-vous sur l’exercice de la dégustation en primeurs ? Est-il bien nécessaire, voire judicieux, de goûter des vins si jeunes ?

MB : c’est une grande comédie où des dizaines de journalistes venus du monde entier et souvent bien incapables de juger un vin aussi jeune vont donner leurs notes et commentaires, à partir d’échantillons qui d’un jour à l’autre présentent un aspect différent. Cette fois-ci, la crise renforce encore l’absurdité de la chose car personne n’imagine un instant que les vins seront plus chers dans un an et qu’il y a intérêt à les acheter aussi vite que possible. En revanche, il ne faut pas nier la réussite médiatique d’une telle opération et sa valeur informative.

VR : Néanmoins, peut-on caractériser ce millésime ?

MB : Si les jugements sur la réussite individuelle de chaque cru sont hasardeux, en revanche il est possible de se faire une idée précise de la valeur et du style du millésime et d’indiquer aux consommateurs futurs que beaucoup de 2008 seront bons, voire excellents et probablement de longue garde. Ce n’était pas gagné d’avance !

VR : Pourquoi ?

TD : En raison de la météo, très capricieuse ! Heureusement que le mois de septembre a été plus clément que l’été et a permis à des raisins loin de leur maturité de trouver progressivement leur équilibre. Les vendanges ont été très tardives cette année 2008, de nombreux crus ayant commencé fin septembre et terminé parfois fin octobre.

VR : Thierry, vous avez dégusté beaucoup de crus de la rive droite. Que pouvez-vous en dire ?

TD : Pomerol tire splendidement son épingle du jeu et nous avons rarement dégusté à ce stade des primeurs autant de vins réussis exprimant avec une très grande précision le meilleur de leur personnalité. On peut faire la même remarque pour l’élite de Saint-Émilion mais aussi pour les meilleurs fronsacs ou castillons qui creusent un fossé gigantesque avec les vins plus simples.

VR : A quel niveau situeriez-vous ce millésime par rapport aux derniers millésimes ?

TD : Pour les meilleurs, assurément à un niveau élevé. Nettement supérieur à 2007, mais aussi à 2006. Cette année sans dureté, précise, profonde, équilibrée, a tous les atouts pour bien vieillir. On ne serait pas étonné que plusieurs de ses représentants, dans quelques années, démontrent une supériorité sur des millésimes encensés à leur origine, comme 2000, 2003 ou même 2005 !

VR : Michel, un dernier mot sur Sauternes ?

Ce fut un millésime assez compliqué à faire en raison des caprices de la nature avec hélas pour certains crus du Haut-Sauternes une récolte très réduite et même parfois minuscule. Les grands vins sont riches, splendidement aromatiques, mais sans extravagance dans la liqueur, comme en 2003 ou 2007 ; les seconds vins ou les vins de propriétés moins performantes sont en revanche faibles et obligeront l’acheteur à savoir choisir.

 
Propos recueillis par Véronique Raisin pour iDealwine

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