clos de tart vente

C’est officiel désormais, le Groupe Artemis, société d’investissement de la famille Pinault, rachète les 7,53 hectares du Clos de Tart, monopole classé grand cru à Morey-Saint-Denis en Côtes de Nuits. La famille Mommessin veillait aux destinées de ce domaine depuis 1932. C’est donc une page de l’histoire du Clos de Tart qui se tourne.

Coup de tonnerre dans le monde feutré du vin : le Clos de Tart change de main. Ce domaine n’a en effet connu que trois lignées de propriétaires en près d’un millénaire, c’est dire à quel point il est unique et donc attachant… Depuis sa fondation en 1141 par les Bernardines de l’Abbaye de Tart, il n’a jamais été morcelé, ce qui lui confère un statut à part. De plus en 1939, le Clos obtient sa propre AOC. L’arrivée de Sylvain Pitiot en tant que régisseur du domaine à compter du millésime 1996 a insufflé un nouvel élan, le vin connaissant à partir de cette date une progression qualitative qui ne s’est jamais démentie. Ceux qui ne connaissent pas Sylvain Pitiot doivent absolument lire ci-dessous l’échange que nous avions eu avec lui en 2013, relaté dans le Blog ! Si ce brillant vinificateur s’est progressivement retiré depuis fin 2015, sa succession a été soigneusement préparée, et le relais est désormais brillamment transmis à Jacques Devauges, ancien directeur technique du Domaine de l’Arlot et fin connaisseur des subtilités de la Bourgogne. C’est notamment lui qui mène actuellement la transition du domaine vers la biodynamie.

Extension du domaine de l’art

Le montant de la transaction n’a pas été dévoilé, mais à l’issue d’un match qui laissé sur le bord du chemin plusieurs signatures de haute volée – le nom de Roederer a été évoqué, de même que ceux d’un investisseur chinois, d’une grande famille de l’univers du luxe ou même d’un autre propriétaire bourguignon – c’est finalement l’homme d’affaires François Pinault qui a remporté la mise, déboursant au travers de la holding Artemis une somme qui avoisine les 250 millions d’euros. Ce montant valorise l’hectare de vignes à quelque… 26 millions d’euros. Didier Mommessin*, âgé de 72 ans et Président de la société propriétaire du Clos de Tart, explique dans une interview accordée au Bien Public que « les vignes des grands crus n’ont plus une valeur commerciale ou marchande classique. On raisonne comme sur le marché de l’art. » Ces transactions créent de facto un véritable biais sur la valeur de l’immobilier dont les vignerons bourguignons auront probablement à pâtir dans les prochaines années.

Pinault, un acquéreur de poids

La cession n’était certes pas souhaitée par Didier Mommessin, qui a travaillé 40 ans durant au développement du domaine familial, dans la perspective d’une transmission à la génération suivante. Toutefois, la gestion d’une vingtaine d’associés, membres de la famille Mommessin, a rendu le compromis impossible. Au moment où l’un d’entre eux a exprimé le souhait de vendre – suite à un différend avec l’administration fiscale sur la valorisation de sa part -, la cession est devenue inéluctable. L’intérêt de la famille Mommessin s’est porté sur l’offre qui semblait la plus équilibrée, et surtout la mieux susceptible de pérenniser l’activité du Clos de Tart : le domaine sera entre de bonnes mains avec l’équipe d’Artemis, une vision partagée par l’interprofession des vins de Bourgogne que représente Louis-Fabrice Latour (Président de la maison éponyme). La branche vin du groupe de la famille Pinault peut en effet se prévaloir d’une belle et longue expérience du terrain sur un terroir d’exception à Bordeaux, le Château Latour, premier grand cru classé de Pauillac, acquis en 1993. Artemis est déjà présent en Bourgogne depuis 2006 avec le rachat du domaine Eugénie (anciennement domaine Engel), complété en 2012 par l’acquisition de quelques rangs de vignes de Montrachet (une ouvrée, soit 4,28 ares) et de Bâtard-Montrachet (deux ouvrées). Le holding a également mis la main en 2011 sur une pépite de la vallée du Rhône, Château-Grillet. La branche vin du groupe s’est enfin développée à l’étranger sur les terres de Californie, avec le rachat en 2013 de Araujo Estate Wines, domaine de référence dans la région dans la Napa valley (rebaptisé Eisele Vineyards en 2016).

On notera que le montant de la transaction sur le Clos de Tart, en apparence exorbitant, n’est pas sans rappeler le rachat d’un autre domaine de Morey-Saint-Denis, à quelques encablures de là : en 2014, le groupe LVMH a en effet planté son étendard sur le Clos des Lambrays. Après le monde du luxe, la bataille entre les deux tycoons français se déplace sur le terrain des grands crus. A chacun son joyau de la Côte de Nuits…

Quel impact sur le prix des vins du Clos de Tart ?

Reste à savoir comment le cours des vins du Clos de Tart se valoriseront à l’avenir, et quelles conséquences le rachat aura sur les prix à la sortie du domaine. Compte tenu, d’une part, de la somme déboursée, et, d’autre part, de la politique tarifaire menée par le groupe Artemis dans l’ensemble des propriétés qu’il possède, on a du mal à imaginer que les prix à la sortie du domaine restent longtemps à leur niveau actuel. Pour autant, les tarifs du Clos de Tart ayant connu une hausse significative ces dernières années, il est peu probable que les cours des millésimes très récents explosent à court terme, tout du moins sur le marché secondaire des ventes aux enchères. En revanche, nombre d’amateurs chercheront certainement à acquérir des années un peu plus matures, produites de la main du talentueux Sylvain Pitiot. A suivre au cours des prochains mois…

La cote iDealwine du Clos de Tart Grand Cru

Vin

Cote actuelle

Clos de Tart GC 1990

               326 €

Clos de Tart GC 1996

               252 €

Clos de Tart GC 1999

               257 €

Clos de Tart GC 2002

               330 €

Clos de Tart GC 2005

               392 €

Clos de Tart GC 2009

               330 €

Clos de Tart GC 2010

               345 €

Clos de Tart GC 2011

                 235 €

Clos de Tart GC 2012

                310 €

A lire également dans le Blog d’iDealwine :

Brèves de comptoir avec… Sylvain Pitiot, régisseur du Clos de Tart.

*interview Le Bien Public 28/10/2017 par Franck Bassoleil

Cette publication a un commentaire

  1. servais

    Bien que revendiquant ma nationalité Bretonne (comme François Pinault), J’éprouve une profonde tristesse quand je vois des climats de Bourgogne partir aux mains d’étrangers. Ce joyau inscrit au Patrimoine mondial devrait fédérer les Bourguignons pour conserver ces cultures millénaires pour certaines. Le Clos de Tart restera certes Français, mais le virus d’une autre région produisant des grands crus commence à attiser la convoitise de la finance et de l’argent au détriment des successions historiques.

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