Naissance du vignoble bourguignon romains

Viticulture et politique

L’extension de la vigne vers le nord, une fois l’adaptation des cépages maîtrisée, paraissait aller de soi. C’était sans compter sur la politique. Sa marche vers le Nord a été interrompue si bien qu’à l’avènement de Probus en 276, le vignoble gaulois était largement en-deçà de ce que les découvertes biologiques du Ier siècle permettaient en terme d’implantation.

On a vu que la vigne, au Ier siècle, était très bien implantée autour de Vienne, pays des Allobroges et le long du couloir rhodanien, ainsi que dans la Narbonnaise. En revanche, des inscriptions tumulaires indiquent – par défaut – qu’il n’y avait pas de vin produit dans les régions de Langres ou de Saintes. « De part et d’autre d’une limite tracée de l’estuaire de la Gironde au lac Léman, on verrait s’opposer l’une à l’autre une moitié méridionale de la Gaule romaine qui pratique la viticulture et une moitié septentrionale qui ne la connaît pas encore » écrit Roger Dion. Les fragments d’amphores qui disparaissent au début du IIe siècle dans la région de la Côte d’Or ne prouvent pas que ce pays était devenu capable de produire du vin (et par conséquent de réduire ses importations) ; car c’est à cette époque que se développe l’usage du tonneau de bois dont les débris ne laissent pas de traces durables et qui se substituent aux amphores pour le transport du vin !

D’autre part, on voit mal comment Lyon, alors important centre viticole au IIè siècle, aurait pu se laisser dépasser par la concurrence d’un vignoble bourguignon ; la ville prospérait du commerce du vin, il est improbable qu’un vignoble d’égale importance ait pu la supplanter.

De même, aucune trace de viticulture commerciale ne paraît encore au Nord de Bordeaux au IIè siècle. Afin de protéger les intérêts économiques de Lyon et sa prospérité commerciale, on suppose que le gouvernement impérial ait, pendant un temps, limité l’expansion de la vigne vers le Nord. Bienveillances et attentions n’étaient pas distribuées à parts égales entre tous les citoyens, certains étant alors plus romains que d’autres… C’est une décision politique, sous le règne des Sévère (193 – 211 ap. J.C) qui fit d’ailleurs émerger Trèves au détriment de Lyon.

Origines du vignoble bourguignon

Origine du vignoble bourguignon

(pagus Arebrignus). Plus tard, la brillante fortune médiévale de Dijon et celle de Mâcon feront accéder ces villes au rang de préfectures en lieu et place d’Autun et de Langres (sous-préfectures).

Mais à quelle date exactement la vigne s’installa-t-elle sur la Côte d’Or ? On suppose qu’elle a du s’y développer dans les années 230-250. Dans les années 250-280 ensuite, des invasions dévastatrices ruinèrent une partie des vignobles, les villes et les campagnes. Même si ces dates peuvent être soumises à discussion, deux hypothèses sont des plus probables : 1) la création du vignoble de la Côte d’Or et de celui de Trèves n’est pas antérieure au IIIè siècle ; 2) cette création découle de l’extension d’un privilège accordé à un petit nombre de cités, dont Bordeaux, Autun et Trèves, qui servaient les intérêts de la domination romaine par leur position géographique ou leur importance économique.

A tous les Gaulois, « Gallis omnibus », Probus permit d’avoir désormais des vignes et de produire du vin ; c’est une extension géographique qui s’opéra, toutes les cités de la Gaule pouvant alors tirer des profits de la viticulture. L’édit de Probus installa la vigne dans les vallées de la Loire et de la Seine également, en Bretagne aussi. Après les dévastations de la seconde moitié du IIIè siècle, l’heure n’était plus à la plantation de cépages grossiers car la classe populaire n’était plus assez nombreuse. La qualité s’accrût et les vignobles de la Loire et de la Seine firent du tort à ceux de Bordeaux et de Bourgogne.

Roger Dion, Histoire de la vigne et du vin en France, des origines au 19e siècle, CNRS Editions.

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