La viticulture est d’abord affaire de profit certes, mais pas seulement. Elle revêt à l’époque des anciens Romains un caractère quasi-religieux. En tout cas, le vigneron ou celui qui possède une vigne sont des personnages sinon importants, du moins respectés. Caton l’Ancien écrit « Vinea est prima« . C’est en partie ce qui explique qu’elle n’ait pas périclité avec la chute de l’Empire (476), comme la poterie fine par exemple.

L’art de la vigne, la joie du vigneron

La viticulture en Gaule est à présent bien ancrée, non seulement dans les paysages – elle s’étend largement au-delà de ses limites méridionales et naturelles comme on a pu le voir mais aussi dans les moeurs. Point de seigneur, d’évêché ou de puissant qui n’ait pas sa vigne, son vin, en somme son signe extérieur de culture…

La proximité de voies navigables près des vignobles n’explique pas à elle seule leur développement ; ce sont surtout les puissants (notamment les empereurs) qui ont permis le rayonnement du vignoble au cours du IVe siècle : les cités comme Trèves ou Autun sont devenues importantes parce que des personnages importants, hauts dignitaires de la cour, s’y étaient établis et que pour asseoir leur suprématie et suppléer à leurs loisirs, ils faisaient planter de la vigne. Plus qu’un effet bling-bling, la vigne était ainsi source de joie ; Cicéron parle de délectation à suivre la croissance de la plante.

Chaque région s’enorgueillit des techniques propres qu’elle mettait au point et qui prirent même le dessus sur les conditions naturelles de production. Vienne, Bordeaux, Seyssel, Reims, Angers devinrent des territoires exemplaires, à  l’intérieur desquels l’excellence fut aussi bien due aux sols et au relief qu’à la maîtrise de la technique. De là à y voir l’une des premières formulations – ou conscientisations – de la notion de terroir, je saute le pas !

Les empereurs comme Julien prenaient les choses très au sérieux, s’octroyant jusqu’à trente jours de vacances au moment des vendanges ! Saint-Augustin fit de même et s’échappa de sa chaire de professeur pour aller récolter les raisins… Même la chasse passait au second plan.

A cette époque, la résidence impériale et les demeures opulentes « créaient » le vignoble : il faisait partie des préoccupations majeures des grands personnages de la société romaine.

Le vignoble se développait d’abord autour de villes de renom ; Paris comptait alors un important vignoble sur les pentes de la Montagne Sainte-Geneviève.


Viticulture épiscopale

Au début du Moyen-Age, la vigne jouit d’un prestige important et reste un ornement nécessaire à toute personnalité de haut rang.

Faute d’empereur, l’évêque devint le premier personnage de la cité et donc le premier viticulteur. En Bourgogne, l’évêque d’Autun était ultra puissant. Son église cathédrale rayonnait sur toutes les paroisses alentour (Aloxe, Pommard, Volnay, Meursault, Chassagne, Monthélie). Il est peu probable que le besoin de vin fut lié à la communion sous les deux espèces (avant le 13e siècle, c’était l’usage) car la population des villes était très réduite.

La vigne avait donc un rôle politique plus que religieux pour l’évêque. Car il accueillait le roi ou de hauts personnages lors de leurs haltes dans sa cité et devait leur réserver bon accueil, un « vin d’honneur’ tiré de son cellier. C’était un devoir d’état. Le vin de la ville pouvant être vendu, il représentait aussi une source supplémentaire de revenus non négligeable…

Au cours des 9e et 10e siècles, les collèges de chanoines fondés hors de la ville épiscopale dans les principales agglomérations du diocèse se développèrent (le Concile d’Aix-la-chapelle de 816 le prescrivit). Ainsi, s’ajoutèrent au vignoble de la métropole des foyers de vignes secondaires, annexés aux églises collégiales. Aujourd’hui encore, ces vignes persistent, comme à Bar-sur-Aube ou sur la Côte des Chanoines près de Nancy.

Enfin les évêques possédaient aussi des résidences secondaires comme le monastère d’Hautvillers créé en 660 par l’évêque Nivard, face à Epernay. Ou près de Bordeaux, en bordure des Landes, le domaine viticole de Pessac et bien sûr le plus connu, le fameux Châteauneuf détenu par les papes d’Avignon.

Source :
Roger Dion, Histoire de la vigne et du vin en France, des origines au 19e siècle, CNRS Editions.

Retrouvez les épisodes précédents de l’histoire de la vigne :
La vigne en Gaule de Domitien à Probus : la naissance du vignoble bourguignon
Histoire du vin : la vigne en Gaule jusqu´à Domitien (Ier siècle)
Histoire de la vigne : le vin en Gaule à l´époque romaine
L´histoire du vin en Grèce : Dionysos chez les barbares
L´émergence d´une viticulture en France : facteurs physiques, géographiques et influences culturelles

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