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Aujourd’hui, on vous parle de la sémiologie du vin avec Florentine Mähler-Besse, la référence en la matière. Voyage au cœur des signes et de la communication du vin …

Vendredi 14 octobre, à l’occasion du Vinocamp Paris, nous assistions à une intervention passionnante de Florentine Mähler-Besse, sémiologue spécialisée dans le vin. Parallèlement à son activité de recherche (elle rédige actuellement sa thèse de doctorat ), elle collabore avec les marques pour leur apporter son expertise. On fait le point avec elle sur cette discipline peu connue et ses applications dans le monde du vin.

Lors du Vinocamp, Florentine Mähler-Besse avait exposé la distinction des signes du vin en deux grandes catégories, l’une tenant de la tradition, de l’héritage et l’autre du renouveau. Elle a notamment montré comment ces deux éléments s’entremêlent à l’heure d’Internet et des réseaux sociaux où l’on peut rendre plus intime et plus accessible la tradition avec de l’humain, de la vie privée, du dynamisme, du voyage. Elle nous montrait pour étayer ses propos l’exemple du nouveau film de présentation du château Paveil de Luze.

Pourriez-vous expliquer en quelques mots ce qu’est la sémiologie et comment peut-elle s’appliquer au milieu du vin ?

La sémiologie se définit comme la science des signes au sein de la vie sociale. Il s’agit d’une discipline inspirée de la linguistique et qui serait du domaine de la psychologie sociale. Elle s’intéresse aux signes verbaux et non verbaux, essaye de comprendre comment ils fonctionnent. Un signe n’a pas un sens figé, il se reconstruit en fonction des contextes. Identifier les signes du langage du vin et comprendre leur fonctionnement permet une meilleure communication. Il faut décrypter le message sous-jacent afin de s’exprimer le plus clairement possible, être conscient des messages implicites de chaque signe pour les utiliser dans le sens que l’on souhaite.

Pouvez-vous nous donner un exemple de collaboration que vous avez eu avec des vignerons, comment leur avez-vous été utile ?

Lorsque je collabore avec des marques, on me demande conseil sur les packagings, les signes, les logos, le choix des couleurs, ou pour la création de sites Internet. Mon rôle est de les aider à faire passer leur message. L’idée est toujours d’articuler tradition et modernité, sans tomber dans la caricature. En réalité, les sémiologues travaillent beaucoup avec les communicants, ils travaillent en début de chaîne, font un travail de fond. Pour ce qui est du vin, il n’y a à ma connaissance pas d’autre sémiologue du vin en France, mais il existe des spécialisations un peu plus larges qui englobent le vin, comme l’alimentaire, l’art de la table. Pourtant, c’est vraiment un sujet très vaste, plus je travaille dessus et plus je me pose de questions, c’est un sujet inépuisable !

Quand je travaillais pour le cognac Godet, j’ai participé à la création d’une nouvelle eau-de-vie  qui devait évoquer le voyage de M. Godet en Antarctique sur un bateau à voile. Pour le lancement de ce nouveau produit, nous avons fait le choix d’une bouteille transparente et en forme de glaçon, de la clarté du spiritueux … tout en gardant les signes de l’identité de cette maison de cognac.

Quelles sont selon-vous les principales évolutions que l’on peut observer dans la sémiologie du vin ces dernières années ?

On peut observer une nette différence entre les publicités de vin antérieures à la loi Evin, et celles qui ont dû s’y soumettre. En effet, avec la loi Evin, le vin ne peut plus être lié de manière aussi explicite au plaisir, à la séduction. Pour compenser, on a essayé de mettre plus de couleur, plus de dynamisme, de mouvement  … Tout en gardant les aspects liés à la tradition. Par exemple, sur les réseaux sociaux, l’image de la tradition d’une bouteille de vin est souvent modernisée avec un paysage d’arrière-plan qui évoque le voyage ou la détente, c’est le « wine with a view ».

florentine-malher-bessePensez-vous que les marques qui associent le plus leur image à la tradition (grands crus classés, domaines mythiques) évolueront vers plus de modernité, ou bien est-ce un modèle plus ou moins immuable ?

Je ne trouve pas que les grands vins soient en reste quand il s’agit de modernité. Au contraire, pour être à la hauteur de leur réputation, ils prennent le temps et les moyens de ne pas être classés uniquement dans les vins d’autrefois. Les chais d’architectes ultra-modernes et le dynamisme de l’offre oenotouristique de certains domaines en sont un bon exemple. Tout comme l’illustration de l’étiquette du château Mouton Rothschild qui change chaque année depuis des décennies.
En réalité, même les vins qui se montrent  traditionnels peuvent intégrer des signes de la modernité. Pour certains domaines mythiques, l’image de tradition est très importante, elle fait partie de leur identité et veulent la préserver, pour autant, les évolutions et les modernisations sont là, seulement elles se font dans la finesse et non de manière soudaine et brutale. Notre cerveau perçoit presque sans le vouloir la différence entre une étiquette retravaillée et une qui n’a pas changé depuis plus de 50 ans.

Quelles sont selon-vous les principales différences concernant la sémiologie du vin, entre l’Europe et le « Nouveau Monde » ?

Déjà je pense qu’on ne peut pas parler du « Nouveau Monde », mais DES « nouveaux mondes ». Car il s’agit vraiment de modèles différents, la Napa Valley n’a pas grand-chose à voir avec la Chine, pour exemple. L’histoire n’est pas la même, et en réalité l’histoire influence énormément l’imaginaire. Pour ce qui est des grandes différences, les nouveaux mondes racontent souvent des histoires de découvertes, les aventures de ceux qui ont créé le vignoble. J’y vois beaucoup de symboles, d’animaux emblématiques et d’humain (la famille, le producteur, le consommateur). Ils mettent en valeur l’image de tradition, ils la construisent ; l’« Ancien monde » lui, cherche à la renouveler, la réflexion n’est donc pas la même. Un autre élément de différenciation vient du fait que les nouveaux mondes mélangent des éléments de leur culture locale, de leur culture d’origine et d’une culture idéalisée. Leur identité nait en quelque sorte de trois sémiologies différentes, ce qui la rend très riche, et leur donne une grammaire différente, comme si l’ancien et le nouveau monde du vin utilisaient différents dialectes de la langue du vin.

Est-ce que vous observez des différences notables en ce qui concerne la sémiologie traditionnelle du vin et celle qui se développe sur Internet ?

Ce n’est pas le même registre. Le nombre et le type de locuteurs est bien plus large que sur la communication papier : tout le monde peut s’y exprimer, ce n’est pas réservé aux spécialistes. On utilise plus l’humour sur Internet par exemple, mais aussi les animaux, les voyages, la polémique, les révoltes, etc.. La communication peut être plus intime (beaucoup de photos en gros plan par exemple),plus incarnée, les vignerons peuvent partager des photos de leur famille, de leur vie privée, alors que la communication sur papier est généralement plus sobre et consensuelle. C’est l’instantanéité, l’impression que les choses vont s’effacer qui permet de changer de ton de la sorte. On peut rendre le mythe plus accessible, notamment grâce à de l’humain ou des scènes de la vie quotidienne.

Un conseil de sémiologue pour améliorer – au hasard – le site iDealwine ?!

En réalité, ça ne fonctionne pas vraiment comme ça. L’objectif n’est pas de dire aux gens quel message ils devraient communiquer, mais plutôt les aider à faire passer les messages qu’ils souhaitent exprimer. La sémiologie d’iDealwine me semble orientée sur la tradition et l’expertise et j’imagine que c’est le but recherché.

Avez-vous des projets de publications ?

Je travaille actuellement sur ma thèse, au sein de l’université Paris V Sorbonne. Elle vise à analyser la sémiologie du vin de chaque région de France, dans le but d’aider les acteurs du monde du vin à être fidèles à leur identité et à leur imaginaire régional, ou de s’en détacher. En tout cas, de s’affirmer par leur spécificité face à la concurrence mondiale, de montrer leur différence.

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